Les branleurs de la table ronde.
La table ronde
commençait à se peupler au gré des arrivées.
Une fois tout le monde
assis, je jette un bref coup d’œil circulaire autour de moi pour une estimation
rapide de la durée théorique de la réunion. Ma théorie est la suivante : si X a noté 4 lignes dans son ordre du
jour, il va parler pendant, allez genre 6 minutes : j’additionne le nombre
de points, je rajoute la moitié (puisque c’est sensé être une réunion d’info et
non pas une réunion de prise de décision) je répète l’opération par participant
et j’ai une estimation approximative du temps que va prendre la réunion.
Mon sang ne fait
qu’un tour à la vue des feuilles blanches sur la table, je panique, je perds pied ! Si cela voulait dire
quelque chose c’était que je n’ai aucun indice pour déduire l’heure où je serai
enfin libre. Quelqu'un claque la porte, je sens le piège se refermer.
Arthur commence par
nous demander si quelqu’un veut commencer. Ce genre d’introduction a
toujours le même effet : des sourires niais se dessinent sur les lèvres et
les regards se croisent, s’emmêlent dans un joyeux bordel silencieux tempéré par
des petits rires étouffés. Je laisse durer un peu le plaisir de ce moment de
confusion totale comme je les aime, et je déclare, fière de mon effet, que je
peux commencer si personne n’y voit d’inconvénient.
Je commence par
parcourir mes points dont deux concernant directement deux des personnes
présentes auxquelles je remets les documents qui argumentent mes dires et continue sur des infos plus générales au déroulement global du projet. Une dernière question d’Arthur à
laquelle je réponds brièvement et au bout de 5 minutes l’affaire était bouclée.
Notre chef interpelle
mon voisin pour poursuivre le tour de table. Mon cœur se serre, j’attends la
suite comme un verdict, je prie pour que ça soit rapide, efficace et concis. Le
voisin commence par un : « hé
bien, moi je n’ai rien de spécial à vous communiquer » qui me rassure, suivie
d’un « par contre j’aurai voulu dire
que.... » qui me fait perdre mes illusions ! Le bla bla bla qui a suivi a duré une demie heure
! ! ! ! Ce n’était pas complètement un monologue car
alimenté par des interventions d’Arthur : des questions, réponses,
réflexions, temps morts alors qu’on se faisait chier comme des rats
morts ! Heureusement que le mec n’avait rien à dire ! !
Le voisin de mon
voisin la même chose ! ! Il commence pareil et monopolise l’attention
pendant 15 minutes ! Au bout d’un moment j’ai eu l’impression que chacun
avait décidé de faire chier les autres juste parce qu’il s’était bien fait
chier juste avant !
J’ai commencé à suer,
souffler mon rythme cardiaque à s’accélérer, j’avais envie de déboutonner ma
chemise et pousser un grand cri, monter un putsch contre Arthur qui laissait
faire cette anarchie ! Au lieu de ça j’ai commencé à écrire ce poste en
séance … ce qui m’a permis de me calmer,
de ne pas m’ennuyer, de ne pas donner l’air de m’ennuyer, de ne pas perdre mon
temps, et surtout, surtout chacun était
flatté pensant que j’étais en train de prendre des notes des coneries qu’il
racontait … Hihihihi heureusement qu’on ne m’a pas demandée de faire le
compte-rendu ! Ils n’auraient pas été déçus du voyage …